DON DU CORPS A LA SCIENCE

DON  DU CORPS A  LA SCIENCE

LA PLASTINATION – Conservation des corps. (Article Anne DUJARDIN).

Une technique révolutionnaire de conservation des corps.

Interview de Marc Braun, professeur d’anatomie et responsable du laboratoire d’anatomie de Vandoeuvre-les-Nancy
- En quoi consiste la plastination ?

Il s’agit d’incorporer du silicone dans le corps, ou dans une partie détachée de celui-ci. A la fin de la procédure qui peut durer 6 mois, la pièce est dure et se conserve très bien et très longtemps.

- Pourquoi est-ce si long ?

Dans une première étape, on plonge la pièce dans plusieurs bains successifs d’acétone, de façon à dissoudre les graisses et saturer le tissu d’acétone. L’imprégnation des tissus est lente parce qu’elle se fait naturellement, nous ne la forçons pas.
Ensuite, la pièce est incorporée plongée dans un bain de silicone. On utilise alors une pompe à vide pour forcer la pénétration du silicone et l’échanger avec l’acétone, de façon à ce que le silicone pénètre partout. Cette étape est très longue aussi.
Enfin, la pièce est polymérisée, c’est-à-dire durcie.

- Quels sont les avantages de la plastination ?

Le premier avantage évident est la longévité des pièces plastinées. Elles nous survivront longtemps, 500 ou 600 ans peut-être. Depuis les années 1950, le nombre de donateurs diminue et la plastination permet de compenser en partie ces déficits de dons.

Le deuxième avantage est pédagogique. Les pièces plastinées sont d’une qualité incomparable pour l’observation des étudiants. Les pièces disséquées sont ainsi conservées et servent pour des démonstrations aux étudiants. Toutes les parties du corps s’y prêtent et l’on peut même effectuer des coupes selon les besoins d’étude. Par exemple les coupes permettent d’enseigner les bases de l’imagerie par scanner ou IRM.

- La plastination est-elle amenée à supplanter la congélation et la conservation chimique ?

Non, les trois techniques ont chacune leur intérêt. Les pièces plastinées servent de support (modèle) à la Recherche par exemple, et ne peuvent plus être modifiées (ou disséquées) après le durcissement.

- Comment se fait-il que la plastination ne soit pas plus répandue en France ?

Cette technique a un coût certain, lourd pour une faculté de médecine. Les locaux doivent être mis en conformité. Il faut s’équiper en congélateurs, en pompes…etc, puis les consommables sont à acheter chaque année. C’est le principal obstacle à sa diffusion.
Il faut également former les personnels, car la technicité est élevée. C’est un moyen pour les personnels d’acquérir de nouvelles compétences, mais il vrai que pour tout nouveau recrutement il faut recommencer la formation.
Aujourd’hui en France, quelques laboratoires dont Saint Etienne,  Marseille, Toulouse  Amiens  pratiquent comme nous la plastination,. Un autre très grand utilisateur de la plastination est l’école vétérinaire de Maison-Alfort.

- Qu’est-ce qui a fait du laboratoire de Nancy, qui est assez petit, un précurseur dans ce domaine ?

La plastination est arrivée à Nancy en 1992. A cette époque, son inventeur Gunther Von Hagens n’était pas encore connu du grand public et formait quelques professeurs d’anatomie venus de partout en Europe, dans son laboratoire à Heidelberg (Allemagne). J’étais alors un jeune assistant et je me suis formé avec lui. Il a guidé les premiers pas du laboratoire de Nancy, en venant voir régulièrement nos réalisations et nous conseiller pour améliorer la qualité des pièces plastinées.  Ensuite, nous avons à notre tour, formé des techniciens d’autres laboratoires.

- Comment avez-vous convaincu la faculté de médecine d’investir dans la plastination ?

Notre doyen de l’époque était quelqu’un d’ouvert et lui comme d’autres, en voyant la qualité des pièces plastinées, a tout de suite compris l’intérêt du procédé pour nos élèves médecins.

- Vous qui avez été un élève de Gunther Von Hagens, quel regard portez-vous sur ses réalisations artistiques issues de la plastination?

Gunther Von Hagens s’est beaucoup éloigné de ses objectifs de départ, strictement scientifiques et médicaux, et je ne me reconnais pas du tout dans sa démarche actuelle. Les personnes qui lui font don de leur corps le font avec un rêve, une illusion d’immortalité à laquelle comme médecin je ne peux souscrire.

Mes résistances vont même au-delà. J’espère que dans l’avenir, la plastination qui est une méthode fantastique pour la médecine, ne sera pas rejetée pour les dévoiements que certains en auront faits.

- Mais finalement, ne peut-on pas remplacer le corps humain par des pièces artificielles ?

C’est ce que l’on fait pour la formation de base, on se sert de modèles, mais ceux-ci ne montrent pas l’immense diversité des morphologies. Regardez autour de vous, pas deux lobes d’oreille qui se ressemblent, pas deux pieds qui se ressemblent. Nous voulons que nos médecins sachent s’adapter à la diversité des cas qu’ils rencontreront dans leur vie professionnelle, c’est fondamental.

- Qu’avez-vous envie de dire à de futurs donateurs ?

Donner son corps à la science est un geste d’une grande générosité , qui contribue de façon irremplaçable à la formation des médecins, à la recherche. Certains pays comme l’Italie où le Don du corps n’est pas pratiqué nous envoient leurs élèves chirurgiens pour des formations. Nous avons beaucoup de chance en France d’en bénéficier.

Et puis, je voudrais parler aussi de l’immense respect pour l’être humain, que nous avons tous dans les laboratoires d’anatomie. Nous sensibilisons nos étudiants à cette dimension et leur expliquons la nature du don et sa richesse inégalée. Nous leur enseignons le respect du corps (c’est souvent leur premier contact avec un mort). En retour, nous respectons leurs réticences morales ou psychologiques que certains peuvent avoir à travailler auprès d’un corps.

Source de cet article

ANNE DUJARDIN



02/12/2013
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